rhétorique_de_la_caricature
0. introduction

Depuis un certain temps, la réflexion rhétorique connaît un remarquable épanouissement, surtout en France. Mais d'emblée signaler cet avertissement: ce ne sont pas les raisons ni même un semblant de bilan de cet intérêt renouvelé pour la discipline aux 25 siècles, déjà, d'histoire qui retiendront principalement notre attention le long de ce travail, mais plutôt un caractère assez problématique et assez prometteur qui marque la dite réflexion: la dimension rhétorique n'est plus envisagée uniquement dans son rapport avec le langage articulé mais désormais pensée en termes beaucoup plus généraux: en termes sémiotiques.

Et la rhétorique est, semble-t-il, disposée (malgré son âge) à vivre une nouvelle aventure, cette fois avec une science toute jeune: la sémiotique.

0.1. rhétorique-sémiotique

D'ailleurs, rhétorique-sémiotique: une compatibilité évidente vu que les deux disciplines partagent un même champ d'investigation, à savoir la signification, mais chacune d'elle l'envisage de son propre point de vue: la rhétorique réfléchit sur un certain nombre de techniques et de transformations codifiées qui interviennent lors d'actes communicationnels, i.e. en fin de compte sur des procès de signification; "or postuler une signification c'est recourir à la sémiologie" (Barthes 1970, p.196), cette science de la signification qui s'interroge, elle, sur le caractère systématique de ces procès.

Et c'est dans cette direction, dans l'interpénétration du rhétorique et du sémiotique, que l'hypothèse selon laquelle la dimension rhétorique n'est plus considérée comme un simple ornement du discours, comme de simples procédés poétiques (Jakobson), mais plutôt comme "une dimension essentielle "de la signification" selon les mots de Claude Brémond" (Dolle 1979, p.234), prend sa véritable .. dimension.

Et c'est dans cette direction également que notre "rhétorique de la caricature" peut s'inscrire. Sans être pour autant notre principale hypothèse de travail, cette conception du fait rhétorique nous servira de principe théorique dans notre investigation rhétorique de la caricature.

0.2. cadre théorique: hypothèse

C'est déjà dire que nous situons notre travail dans une perspective sémiotique. Et pour éviter tout suspense, nous précisons tout de suite que notre réflexion portera uniquement sur le niveau iconique des images caricaturales, avec les deux acceptions que possède l'iconique:

iconique vs linguistique (légende)
iconique vs plastique (Groupe m 1979, p.173).

Cette restriction n'est certainement pas arbitraire, ne serait-ce que pour les contraintes qu'impose un travail comme le notre. Cependant, et pour notre part, la raison qui nous a amené à l'effectuer est notre projet d'essayer de vérifier si les systèmes iconiques peuvent se passer de la "collaboration" du linguistique dans leur fonction signifiante, s'il est légitime de parler de messages iconiques, en l'occurrence de caricatures, systématiquement rhétorisés, i.e. finalement essayer de confirmer l'autosuffisance des messages iconiques.

Telle est notre hypothèse de travail (Greimas) et tel est notre programme le long de ces quelques pages de réflexion: partir du sémiotique pour y revenir en empruntant le chemin du rhétorique.

0.3. mise au point méthodologique

Et pour réaliser ce projet, nous avons donc choisi le dessin caricatural. Trois raisons justifient ce choix:

i. un intérêt personnel pour les caricatures qui a aujourd'hui, d'une certaine manière, l'occasion d'être satisfait;
ii. une certaine popularité pour ce qui est de la consommation de ce type d'images;
iii. une certaine "injustice" à l'égard de ce genre de messages au niveau de la recherche sémiotique.

Et pour constituer notre corpus de dessins caricaturaux, nous n'avons pas cherché à nous limiter à une seule référence: caricatures parus, dans une publication précise en un espace temporel limité; mais plutôt à varier nos références: revues et journaux, français ou arabes, datant des années 70-80. La raison en est que notre objectif n'est pas de faire une étude sociologique de la caricature en partant d'un corpus extrêmement homogène mais de dégager un certain nombre de figures rhétoriques: partir d'une définition pour identifier sa transposition iconique en caricature, ce qui nous a contraint à ne pas constituer au préalable un corpus mais plutôt à chercher ça et là des caricatures illustrant chaque définition. Ainsi, notre corpus s'est constitué au fil des figures rhétoriques.

Cet itinéraire nous a amené à articuler notre travail de la façon suivante: un premier chapitre sera, dans son ensemble, une réflexion théorique sur l'image en général et sur les conditions de sa fonction signifiante. Ce chapitre sera également une occasion pour expliciter davantage notre hypothèse de travail; par conséquent, les citations empruntées à Sémantique Structurale de Greimas foisonneront le long de ce chapitre.

Un deuxième chapitre sera consacré à la réflexion sur la définition de la caricature: nous présenterons une définition "traditionnelle" qui sera suivie de remarques critiques pour dégager ses insuffisances, pour terminer finalement avec une réflexion sur le rapport de l'iconique avec le linguistique dans une même image.

Et c'est au niveau du troisième chapitre que la réalisation de notre programme prendra forme. Nous débuterons cette articulation par une mise au point méthodologique concernant des points fondamentaux de la rhétorique; quant à l'analyse proprement dite, chacune des figures rhétoriques que nous aborderons sera introduite par une définition, empruntée à Rhétorique Générale du Groupe m, qui sera suivie par un commentaire explicatif, avant de dégager la transposition iconique illustrée par des exemples d'images caricaturales.

Notre programme est donc chargé, et notre ambition est grande autant que l'est notre espoir de le réaliser et de la satisfaire.
sommaire | 1. image | 2. caricature | 3. rhétorique de la caricature | 4. conclusion

© elmdari 1987