3. rhétorique de la caricature | ||
S'il faut trouver une épithète à ce titre, nous n'hésiterons sûrement pas à le
qualifier d'"optimiste". En effet, bien qu'une rhétorique de la caricature ne
soit pas pour demain, néanmoins elle reste un projet envisageable, pourvu qu'on prenne
conscience, dès le départ, des difficultés qui risquent d'entraver sa réalisation. Pour notre part, nous sommes sérieusement conscient des limites et des obstacles auxquels un travail comme le nôtre peut se heurter, et nous réalisons à quel point notre programme sera à la fois "audacieux" et "provisoire. Nous nous expliquerons plus loin et tout au long de ce chapitre sur ces qualificatifs. Pour le moment, nous nous contenterons de signaler, par anticipation, que les difficultés dont il s'agira plus tard tiennent à la fois aux fondements même de la rhétorique et à l'état actuel des connaissances où en est la sémiotique visuelle. 3.1. théorie de la figure Tout à fait au début de ce travail, nous avons juste mentionné l'intérêt que linguistes, sémioticiens, entre autres, portent à la recherche rhétorique. Cependant, nous avons omis de préciser que la réflexion sur la figure constitue le centre d'intérêt de cette investigation. Malheureusement, et en dépit de tous les efforts, nous ne disposons pas encore d'une théorie de la figure qui serait irréprochable et à l'abri de toute objection. A ce propos, nous nous permettons de citer longuement Todorov (1970, p.349): "la définition la plus répandue, la plus tenace de la figure, est celle d'un écart [...]. Les théories actuelles dans leur grande majorité, n'ont fait que perfectionner, qu'affiner cette définition. [...] or [...]: 1. on s'accorde pour dire que tous les écarts ne sont pas des figures; mais personne n'a proposé un critère discriminatoire opérant pour séparer les écarts-figures des écarts-non figures. 2. Mais quel prix faut-il payer pour maintenir la proposition inverse, que toutes les figures sont des écarts? Écart de quoi? D'une norme. Le rêve des rhéteurs modernes a été d'identifier cette norme avec le code de la langue. Et il est vrai qu'un certain nombre de figures représentent des infractions à la langue [...]. Mais ce nombre ne correspond qu'à une partie seulement des figures" (Todorov 1970, pp. 26-27). "Pour tourner la difficulté, ce n'est plus avec la norme de la langue que l'on compare les figures, mais avec celle d'un autre discours [...]. Mais on doit s'interroger alors: s'il y a deux types de discours distincts, pourquoi considérer l'un comme norme, et l'autre comme écart? Ne serait-il pas plus juste de penser que chacun d'entre eux obéit à sa propre norme ?" (Todorov 1970). Résultat de ces objections: "la théorie de l'écart échoue au niveau de l'explication, mais elle a pu alimenter des réussites à celui de la description" (Todorov 1970, p.27). Si besoin est, nous préciserons que cette conception de la figure comme écart est nettement empreinte de digitalisme, pour les deux simples raisons que: i. la rhétorique n'avait à traiter, et ce jusqu'à une date très proche, que du langage articulé exclusivement; ii. le renouveau d'intérêt, dont il a été question précédemment, est essentiellement motivé par les acquis de Saussure, Hjelmslev, Benveniste ou Jakobson, bref par la linguistique structurale contemporaine. Et il est probable que les impasses et les difficultés qui préoccupent la rhétorique sont dues à cette conception étriquée du champ rhétorisé. La rhétorique a donc grand intérêt à élargir son horizon en envisageant d'autres systèmes de signification pour tenter de résoudre ses problèmes; nous en avons le pressentiment, pour ne pas dire la conviction. En attendant que les rhéteurs soit en mesure de réviser sous un jour nouveau les présupposés et les principes théoriques de leur discipline (projet qui dépend en grande partie des progrès de la sémiotique), nous nous contenterons de leurs réussites au niveau de la description des figures et, plus particulièrement, nous adopterons comme outil dans notre recherche le travail sérieux du Groupe m (1982). Nous nous limiterons, pour justifier notre choix, à ces quelques lignes tirées de cet ouvrage et qui, nous le croyons, en disent long: l'intention rhétorique "agit de manière radicale sur le code: c'est bien là d'ailleurs ce que la théorie traditionnelle des figures a exploré depuis longtemps et ce que, dans sa plus grande partie, le présent essai voudrait systématiser de manière rigoureuse les procédés par lesquels le langage du rhéteur transforme les conventions de la langue dans leur triple aspect, morphologique, syntaxique et sémantique. Mais le rapport du message au référent - quelle que soit l'interprétation qu'on donne à ce dernier - peut également être modifié sans que les prescriptions du code soient violées" (p.24). 3.2. généralités Une analyse rhétorique se propose de rendre compte de certaines propriétés du discours (en l'occurrence le "discours caricatural"). Aussi porte-t-elle uniquement sur les formes (Hjelmslev), tant de l'expression que du contenu. Rappelons que Greimas (1966) propose de désigner "du nom de signifiant les éléments ou les groupements d'éléments qui rendent possible l'apparition de la signification au niveau de la perception [...]. Du nom de signifié [...] la signification ou les significations qui sont recouvertes par le signifiant et manifestées grâce à son existence" (p.10). Rappelons aussi que la théorie structurale recourt à la procédure dite de commutation pour découvrir les signifiants d'un système signifiant. Cependant, cette procédure n'est pas aussi aisée en linguistique qu'en iconologie. En iconologie, la commutation, et pour des raisons techniques, ne peut être qu'"imaginaire"; or "il est méthodologiquement dangereux de faire appréhender un acte de perception par le moyen d'un acte imaginatif" (Porcher1976, p.237). Cette difficulté varie, à l'intérieur même du domaine iconologique, d'un type d'image à un autre. Nous croyons, et sans entrer dans les détails, que nous avons échappé à cette difficulté en choisissant le dessin caricatural. Une analyse rhétorique présuppose donc une articulation. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler au niveau du signifié, nous en discuterons plus loin en ce qui concerne le plan du signifiant dans ses aspects "morphologique" et "syntaxique". 3.3. analyse rhétorique de la caricature: relevé des figures Avant de nous lancer, avec précaution précisons-le, dans la réalisation de notre programme, nous estimons qu'il est nécessaire, d'un point de vue méthodologique, de signaler que nous ne respecterons pas la distinction que le groupe liégeois effectue entre les figures qui sont d'un usage "forcé" et les autres figures qu'il appelle "rhétoriques" "visant à des effets poétiques (au sens jakobsonien)" (p. 41). Sans nous attarder sur ce que le fondement de cette distinction a de linguistique, nous nous contenterons, pour justifier notre position, de rappeler que nous avons déjà souscrit à cette autre conception qui ne considère plus le fait rhétorique comme un ornement du discours mais plutôt comme une dimension essentielle à tout acte de signification. En revanche, nous garderons la classification des figures proposée par le groupe liégeois et représentée sur le triangle suivant (p.35):
Remarque: pour échapper à une énumération qui serait sans doute interminable et ennuyeuse, nous nous contenterons (nous jugeons la démarche légitime) de dégager simplement les figures les plus fréquentes, les plus fondamentales et les plus instructives dont les définitions seront empruntées au Groupe m . |
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3.3.1. métaplasmes 3.3.2. métataxes 3.3.3. métasémèmes 3.3.4. métalogismes 3.4. récapitulation |
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sommaire | 1. image | 2. caricature | 3. rhétorique de la caricature | 4. conclusion | ||
© elmdari 1987 |