rhétorique_de_la_caricature
3. rhétorique de la caricature
3.3.4. métalogismes

 Définition: le métalogisme est une figure qui "a pour critère la référence nécessaire à un donné extra-[sémiotique ] (p. 125), et qui consiste à "transgresser la relation "normale" entre le concept et la chose signifiée" (p. 132). Autrement dit, "pour déceler le métalogisme éventuel, il faut convoquer la réalité, confronter les signes et leur référent. Pour constater le métalogisme, il faut en outre s'assurer que les signes ne donnent pas du référent une description fidèle" (p. 131).

Cette catégorie de figures métalogiques, on le devine aisément, présente un intérêt particulier au niveau d'une investigation rhétorique du dessin caricatural. Aussi est-il nécessairement juste de nous y attarder un instant.

La définition que nous venons de donner ci-dessus du métalogisme, pensons-nous, pourrait être l'objet d'une éventuelle méprise. La raison en est purement et simplement l'empreinte linguistique qui l'imprègne. Expliquons-nous: tout d'abord signaler cette 'lapalissade': l'arbitraire et le haut degré d'abstraction caractérisant le signifiant linguistique, phonique ou graphique, dans son rapport avec la réalité référentielle. Cette évidence implique qu'une opération métalogique intervient, au niveau linguistique, pour créer un écart entre un concept et un référent, le concept étant une représentation mentale de l'extra-linguistique. Donc, linguistiquement parlant, c'est dans la façon de signifier le référent, dans le degré de fidélité du concept pour représenter la réalité, que le métalogisme peut se réaliser.

Pour un système iconique, le mécanisme métalogique est loin d'être aussi évident. En effet, ce qui complique dangereusement l'opération métalogique, c'est l'intervention du signifiant iconique qui entretient un rapport d'analogie avec le référent. Ainsi, nous nous rendons compte de la confusion qu'on serait amené à commettre si l'on essayait de respecter littéralement la définition du métalogisme à propos du dessin caricatural. Autrement dit, ce qui complique davantage la transposition de la description du procès métalogique dans la caricature, c'est l'utilisation, au niveau de la définition, de 'signe', ce qui nous conduit inévitablement à nous poser la question: une reproduction déviante, i.e. une relation anormale entre le signifiant iconique et son référent, est-elle du domaine du métalogique?

Une discussion poussée plus loin finira obligatoirement par envisager le rapport qu'il y aurait entre métaplasmes et métalogismes iconiques; nous en faisons l'économie ici parce que nous n'avons cherché qu'à effleurer le problème que pose la conception (linguistique) du métalogisme ci-dessus présentée, pour tenter de retrouver certaines figures métalogiques déjà attestées au niveau sémantique (concept) dans nos dessins.

3.3.4.1. hyperbole

Définition: dire plus pour dire moins; exemple: un 'géant' pour un 'homme grand'.

Si l'on se rappelle les critères pris en considération dans une définition traditionnelle de la caricature, et plus particulièrement le critère de l'exagération, et si l'on considère la définition de l'hyperbole, on se rendra compte automatiquement du rapprochement et de la coïncidence entre les deux: autre argument pour confirmer le caractère partiel de la dite définition.

Ce n'est pas ici le lieu de reprendre cette discussion et expliciter davantage nos remarques critiques; nous passerons donc directement aux exemples. Au niveau d'une illustration iconique de l'hyperbole, nous pouvons avoir:

dessin 08: "manger beaucoup" + "intention hyperbolique" = "utilisation d'un entonnoir"
dessin 41: "une brouette de diplômes" pour "quelques diplômes"
dessin 47: "un squelette" pour "un homme très maigre"
dessin 48: "une femme pygmée" pour "une femme rapetissée"
dessin 49: le moins qu'on puisse dire de la réaction de cette famille est qu'elle est hyperbolique
dessin 50: "laisser ses bagages et ses habits" pour "laisser une somme d'argent importante" (un locataire y trouverait plutôt une litote, le contraire d'une hyperbole).

Ces six exemples, numériquement parlant, sont certainement suffisants pour renseigner sur la prédilection qu'ont les caricaturistes pour les procédés hyperboliques. D'ailleurs, la définition traditionnelle de la caricature en dit long , à ce propos, ce qui nous arrange pour faire l'économie de tout commentaire superflu.

3.3.4.2. antithèse

Si l'on se rappelle l'analyse de la signification en immanence, proposée par Greimas (cf. 1.4), l'antithèse sera la réalisation, dans un message, des termes-objets A et B; exemple:

... et tu rendras à ma tombe
Ce que j'ai fait pour ton berceau (V. Hugo)

Cette définition de l'antithèse est suffisamment claire pour dissiper toute éventuelle confusion que l'on pourrait faire entre antithèse et oxymore: alors que la figure métasémémique se réalise par une incompatibilité sémantique, par une rupture de l'homogénéité du discours, la figure métalogique n'est l'effet d'aucune rupture ni d'aucune hétérogénéité; exemples:

dessin 03: plume et homme grands (haut) = A R (verticalité) B = plume et homme petits (bas)
dessin 45: ciel bleu (printemps) = A R (saison) B = ciel gris (hiver)
dessin 51: pauvre (dénuement) = A R (biens) B = riche (possession)
dessin 52: URSS (communisme) = A R (régime) B = USA (capitalisme)
dessin 53: désert (sécheresse) = A R(eau) B = maître nageur (aquatique)
dessin 54: (espace urbain et) maison de la culture (moderne) A R (civilisation) B = (organisation du spectacle et) le numéro acrobatique (ancien)

Dans cette illustration iconique de l'antithèse nous avons aligné six exemples: une façon de renseigner sur la fréquence de cette figure en caricature.

3.1. théorie de la figure
3.2. généralités
3.3. analyse rhétorique de la caricature: relevé des figures
3.3.1. métaplasmes
3.3.2. métataxes
3.3.3. métasémèmes
3.4. récapitulation
sommaire | 1. image | 2. caricature | 3. rhétorique de la caricature | 4. conclusion

© elmdari 1987